Anne-Marie-Launay
19 novembre 1927 – 20 février 2019
Anne-Marie, tu nais dans les Vosges à Quieux-le-Sauley, cadette d’une sœur de 10 ans ton aînée. Ton père, bucheron puis garde-chasse, te donne le goût de la nature et tu es heureuse de le suivre dans la forêt. On sent une grande complicité avec « mon papa », comme tu l’appelleras toute ta vie.
A l’école, tu as du mal à suivre et on ne t’encourage guère. Les sœurs de Notre-Dame proposent à tes parents de te confier à elles pour apprendre les travaux ménagers, plus dans tes goûts que d’aller travailler à l’usine. Tu pars alors à 14 ans chez les sœurs à Nancy. Mais tu y restes peu car tu y es tellement heureuse que ton père craint que tu ne deviennes religieuse !
Il te confie à des particuliers à Nancy où tu ne te plais pas. Tu t’engages dans une clinique pour faire des ménages et t’occuper des malades.
En septembre 1944, ton père part en déportation et meurt à Dachau le 1er décembre de cette même année. C’est un immense chagrin pour toi qui sembles ne t’en être jamais remise. – Tu demandes à revenir chez les sœurs de Notre-Dame. Ton père avait vu clair puisque, le 26 septembre 1946, tu entres au noviciat à Paris, rue Blomet ! Tu fais ta profession temporaire le 9 août 1949 à Verneuil dans les Yvelines, puis ta profession perpétuelle le 19 septembre 1953 à Nancy où tu resteras jusqu’à la fermeture de la maison.
Tu as un autre grand chagrin familial : ton neveu, dont tu sembles t’être beaucoup occupée quand il était petit, est tué à la guerre d’Algérie. Tu ne peux en parler sans avoir les larmes aux yeux. La seule famille qui te reste, c’est Sabine, ta nièce, et sa fille Marina, dont tu parles souvent.
A la communauté de Nancy, tu fais des ménages et de la cuisine. Mais sœur Elisabeth Boehler, directrice de notre école maternelle et primaire, sent bien que tu as aussi d’autres dons et en particulier que tu aimes beaucoup les petits enfants. Elle te confie alors la tâche d’aide-maternelle, dans laquelle tu t’épanouis jusqu’à ta retraite en 1993. Tu tisses des relations profondes et durables avec institutrices, parents et enfants dont certains sont encore en lien avec toi.
Grâce à sœur Thérèse Alix, secrétaire privée du Père Lescanne, responsable du centre des séminaristes, tu fais sa connaissance et lui rends de multiples services, selon tes dons.
Mais la communauté de Nancy diminuant, en avril 2010 il faut fermer la maison. Tu rejoins alors, avec sœur Elisabeth, la communauté de Reims, place Godinot. C’est un énorme déracinement pour toi. Nous cherchons ce qui pourrait t’aider à t’adapter à ta nouvelle vie. Te sachant douée pour la dentelle – tu as apporté ton métier à Reims – nous pensons à un groupe de dentelle. Nous le trouvons et il t’accueille avec une grande gentillesse. Tu lui dois beaucoup et tu en es consciente.
La communauté de Reims, elle aussi, diminue et, comme à Nancy, il nous faut fermer la maison. Vous partez ensemble à la résidence Nicolas Roland, le 8 avril 2014. Et là, comme partout où tu passes, ta simplicité, ta bonne humeur, ton cœur toujours prêt à rendre service et à donner (il faut parfois te freiner) te font aimer. La vie de communauté est très importante pour toi. Dans nos partages, encouragée par tes sœurs tu parviens à dominer ton manque de confiance en toi, et souvent tes jugements sont pleins de bons sens et tes partages spirituels très profonds.
Mais ton état de santé se dégrade. On sent que tu ne vas pas bien mais tu ne sais pas dire ce que tu ressens et cela ne facilite pas la tâche des soignants ! Quand on découvre enfin le mal qui te ronge, il est trop tard. On ne peut qu’essayer de soulager ta souffrance. Tu deviens triste, tu n’as plus la force d’aller à tes rendez-vous de dentelle. Tes dernières semaines sont très douloureuses, physiquement et moralement. Puis le matin du 20 février, tu nous quittes, laissant un nouveau grand vide après le départ de sœur Madeleine, le 10 décembre, départ qui t’a beaucoup affectée.
Souvent tu t’inquiétais de ne pas savoir prier mais tu confiais ta prière à Marie qui t’a certainement soutenue dans tes derniers instants.
Merci, Anne-Marie, pour tout ce que tu as donné, à tes sœurs, à ta famille et à tes amis.