OSER LA RENCONTRE EN PRISON

par Soeur Marie-Paule Dubart

Après mon arrivée à Epinal fin janvier 2018, il m’a été suggéré, à deux reprises, de devenir aumônier à la maison d’arrêt d’Epinal. Des rencontres avec des aumôniers catholiques et  protestants, une parole entendue : « Nul n’est trop loin pour Dieu » La parole de l’évangile de Mathieu 25 : « J’étais prisonnier et vous m’avez visité. » ont aussi contribué à la réponse à cet appel. Début avril 2018, je mettais mes pas, pour la première fois dans un lieu de détention. Entrer dans l’univers carcéral permet de découvrir une diversité de situations. Bien des hommes et des femmes ont connu des enfances difficiles qui les ont amenés à des errances et à des comportements déviants. Parfois aussi, ce furent des évènements lourds à traverser, deuils familiaux, perte d’emploi, addictions diverses qui ont eu pour conséquences d’être confrontés à la justice età l’incarcération.

Les situations sont diverses : âge ; culture, niveaux d’études, situations familiales et professionnelles antérieures, nationalité… ce qui engendre des problèmes de compréhension et de communication.

Les personnes qui souhaitent rencontrer un aumônier en font la demande à leur arrivée par un mot ou par l’intermédiaire d’une autre personne détenue. Elles peuvent bénéficier de rencontres personnelles ; participer aux groupes de parole avec d’autres sur un thème qui peut les rejoindre, ceci parfois en groupes interconfessionnels, elles peuvent participer à la messe.

Les attentes sont bien différentes selon chacun et chacune : un moment pour sortir de la cellule, un temps d’échange à partir de peurs, d’une situation familiale, de la mort d’un enfant, d’un proche, d’un jugement prochain, d’une libération en perspective avec à la fois la joie de sortir et la peur de se retrouver libre.

Certaines personnes détenues prennent le temps de réfléchir à leur vie, demandent un chapelet, une Bible, sont à la recherche d’un sens pour leur vie future. La plupart n’ont jamais été catéchisées et manifestent une soif de découvrir la Parole de Dieu. Nous pouvons vivre ainsi des moments tout à fait inattendus, tel ou telle qui demande de prier à la fin d’une rencontre, une personne de confession musulmane qui évoque saint Augustin et saint Basile, une autre de même confession qui demande une image de la Vierge Marie et de Mère Térésa. Certains ont pu exprimer une demande de baptême, non aboutie, pour raison de libération ou de transfert. Quelques rares personnes partagent le fait que la détention les a fait grandir, parce que pour la première fois, elles ont pu s’occuper d’elles et apprendre des choses nouvelles : le français, des cours proposés, l’art plastique, des gestes de partage entre personnes détenues. Le silence recueilli au cours d’une eucharistie est quelquefois surprenant. Certes, tout n’est pas facile quand on est incarcéré, les attentes de tout sont longues mais je sais et nous savons, en tant qu’aumôniers que le Christ chemine avec chacun là où il en et de son chemin.

Soeur Marie-Paule Dubart