Intergénérationnel : apprendre et grandir ensemble

Huit jeunes de 13 et 14 ans en classe inclusion scolaire en raison de leur fragilité se lancent avec leur enseignante dans un projet théâtre.

Marie-Armelle, de 70 ans leur ainée, nous raconte comment elle a vécu l’aventure :

« Il paraît que des collégiens de l’école Saint Pierre Fourier (Paris 12ème) ont l’intention de jouer des scènes de l’Antigone de Jean Anouilh et que je pourrais y participer.

Les souvenirs de cette tragédie jouée autrefois avec des lycéens remontent à ma mémoire, avec toute la saveur et la densité de cette œuvre. 

C’est ainsi que, deux matinées par semaine je suis retournée ‘à l’école’ pour rencontrer les huit jeunes de la classe Ulis qui se sont approprié petit à petit au fil des mois le texte et la gestuelle possible.

Il leur a fallu de la persévérance pour se lancer, s’améliorer et se laisser habiter par les personnages.

 Ce qui m’a le plus frappée dans ce groupe, c’est la bienveillance mutuelle : quand l’un ou l’autre hésite ou bafouille, personne ne se moque, on attend que cela revienne…C’est une leçon pour moi !

Et on finit par produire un ensemble de scènes que chacun a pu intérioriser, et offrir ainsi un film au public choisi.

Ces rencontres et ce travail ensemble furent pour moi des moments de joie apostolique et une nouvelle chance de vivre des occasions de grandir ensemble.

Bravo à chacun et aux deux animatrices ! »

A l’origine, Emmanuelle, l’enseignante a proposé aux 8 jeunes de sa classe de réfléchir sur le bonheur et morale ; un vrai défi pour le groupe :


« En début d’année, j’ai laissé les élèves s’approprier le projet. Ils l’ont fait loin de ce que j’imaginais, avec leurs vécus à la fois si singuliers, si fragiles, et déjà pensés à travers le filtre du bonheur. Ils pouvaient évoquer leur bonheur individuel. J’ai laissé libres ces narrations. J’ai alors commencé à travailler la notion de morale en opposition à la question du bonheur individuel, sous la forme d’une pratique théâtrale autour d’Antigone. Ce travail a été mis en scène par Clélia…

Ce qui les a fait grandir est sûrement de comprendre que le travail s’éprouve dans le corps, qu’il est fondamentalement une expérience affective et qu’il faut savoir l’endurer pour y trouver du plaisir.»

Comme le raconte l’un des jeunes, la persévérance était non seulement du côté des élèves mais aussi des adultes :

« les difficultés rencontrées, réfléchir, comprendre, jouer, incarner, recommencer une fois, deux fois, cent fois … merci qu’aucun adulte n’ait flanché, abandonné ; on est allé au bout du projet ! »

Les pancartes réalisées disent leur désir et leur réalité : « Faire advenir l’excellence qui réside dans mon âme » et « Sans cesse il nous faut choisir ».

Pour la mise en scène, Clélia a dû s’adapter continuellement, faisant appel à des trésors d’imagination :

« Les jeunes ont évolué : ils ont appris les concepts spécifiques du théâtre, le protocole et les exigences. Le cadre était bien respecté, ils ont ‘joué le jeu’… Grâce à eux, j’ai dû faire preuve de beaucoup d’imagination pour pouvoir trouver des solutions et contourner les difficultés ; on trouvait toujours l’idée qu’il fallait pour aboutir et qu’ils ne se sentent pas en échec ; ça faisait longtemps que je n’avais pas tant sollicité mes neurones ! Pour moi c’était très riche. »

Cette aventure théâtrale a aboli les distances pour une rencontre créative :C’était chouette de voir comment les jeunes attendaient chaque séance. Leur plaisir est un plaisir pour le metteur en scène ; … le mélange de personnes impliquées aussi : Marie-Armelle avec ses 85 ans, les assistantes de vie scolaire qui accompagnent les jeunes, la prof …

Dans le travail artistique et théâtral, il n’y a plus de profs, d’élèves, plus d’âge … on est tous au même niveau, c’est la règle ! donc quand ça n’allait pas, j’attrapais autant Marie-Armelle que la prof ou un jeune.

Le hasard a fait que c’était une heureuse rencontre de personnes qui ont bossé ensemble pour un projet et dans le plaisir ; les jeunes ont appris des choses dans un cadre qui n’était pas scolaire. Oui, c’était une bonne expérience hors cadre ! »