Jeanne MANGOTTE
Sœur Marie-Véronique
1er Avril 1913 – 18 Mai 2020
Chère Marie Véronique, mission bien difficile d’évoquer en quelques mots 107 ans de vie ! Oui, 107 ans ! puisque, Jeanne MANGOTTE, tu es née le 1er avril 1913 (!) à TOURY (Nièvre). 107 ans de vie à la fois si simple, si riche et si enracinée dans le terroir bourbonnais.
La petite église Notre Dame du Sauvageon est presque vide ce matin, seulement les 15/16 personnes qui te sont très proches sur le plan affectif et assez proches quant aux kms pour être autorisées à venir t’entourer. Et pourtant, je vois cette église PLEINE ! … Je vois… une dizaine d’entre nous, tes sœurs, religieuses de Notre Dame... Mais grâce à elles je vois celles avec qui tu as vécu et qui ont été témoins de ton engagement religieux :
ton entrée au postulat, le 24 décembre 1929, ta 1ère profession, le 16 mai 1932,
ta profession perpétuelle, le 20 juillet 1935, car tu as vécu toute ta vie religieuse à Moulins ! (Il y a 3 ans seulement que tu es arrivée au Centre DESFONTAINES à QUINCY S/SENART). Alors, je cite parmi les noms de sœurs souvent évoqués par toi : M.Madeleine de Pazzi (qui fut ta maîtresse des novices), Edith, Simone de Mareschal, Sr Marie Rose…
Je vois… tes nombreux neveux et nièces ; un fort lien vous unissait. Ils viennent de St Chamond… Villeurbanne… Dornes… Chantenay… Ils sont représentés ce matin par les fidèles J.Claude et Françoise. Ils sont la mémoire vivante de ton papa revenu tuberculeux de la guerre de 14 et qui passa 4 ans à l’hôpital de Nevers et au sana ; cela t’a beaucoup marquée. Il aimait tant sa petite Jeanne ! Mémoire vivante aussi de ta maman qui balayait la maison chapelet à la main et qui racontait si bien les histoires de la Bible (Joseph vendu par ses frères !) Elle fut si éprouvée par la mort de son petit garçon de 4 ans et de sa fille de 20 ans.
Je vois… tes élèves des travaux manuels dans le grenier du Pensionnat Notre Dame transformé en atelier de vannerie, rotin, reliure… voire même émaux qui cuisaient dans un four placé sous la charpente !… Dominique Pajot (qui faisait partie de ces groupes) me disait : « Chaque jour je profite de ce que Sr M.Véronique m’a appris en bricolage » !!! Tu tenais ce don de ton papa qui était bûcheron et très bricoleur.
Je vois… les jeunes handicapés du Foyer des Alouettes. Pendant 7 ans tu as assuré la surveillance, les soirées, les nuits et les week-ends, et avec eux, tu as sillonné les chemins de la campagne moulinoise.
Je vois… les enfants du catéchisme. Le curé de la cathédrale t’avait demandé de remplacer pendant 1 mois la catéchiste en titre ; ça a duré … 40 ans ! C’est comme cela que Sylvie (qui est devenue notre voisine à Avermes) t’a connue et que s’est nouée entre vous une belle relation d’amitié.
Je vois… tant d’habitants du quartier des Chartreux. Pendant 30 ans tu as partagé leur vie. Avec eux tu as créé l’Association « Pour Tous » qui a donné vie au quartier et qui a permis – entre autres choses – l’installation d’une pharmacie. Mais tu y étais aussi comme religieuse et responsable de la présence eucharistique dans le quartier. Ton appartement, (au 2e étage dans la tour) avec son petit oratoire, a connu bien des temps de rencontres, d’échanges, d’Eucharisties, de prière… Tu étais « la Sœur » !
Puis il y a eu « le Club du 3ème âge » auquel tu es resté très fidèle même quand tu avais rejoint la communauté d’Avermes. Quand tu as dû laisser ta 2CV, nous t’y avons souvent conduite. (A propos de 2 CV !… il parait que, quand tu allais aux Chartreux par une petite rue – il est vrai peu fréquentée – tu avais décidé que, feu rouge ou pas… tu passais !!) Je vois… toujours aux Chartreux, les enfants du Patronage : Les Perlins… les Fripounets… les Marisettes… avec lesquels tu organisais les fêtes à Noël… Carnaval… et tant d’autres moments joyeux. Pour toute cette belle « présence » aux Chartreux, tu as d’ailleurs reçu du Maire de MOULINS la médaille de la Ville ; il t’a dit alors : « C’est la foi qui vous a guidée et votre sourire qui donne la joie de vivre. »
Je vois… encore les membres du groupement MCR avec Nicole CHARCOT ; jusqu’à ces dernières années tu participais aux réunions et aux sorties de fin d’année. Je vois… bien sûr, le personnel de notre communauté d’Avermes : Catherine, Pascale, Bernadette, Jacqueline, Sylvie, Fabienne, Bethka, Isabelle, Clara… elles sont toutes là avec aussi les BVAD pour s’occuper de toi les dernières années. Je vois aussi… des prêtres... qui t’ont accompagnée et avec qui tu as œuvré…le Père BONDOT, de Nevers ; il t’a beaucoup marquée quand tu étais jeune, Michel ST GERAND, avec qui tu as organisé de nombreux camps de vacances, et bien sûr André SARASSAT : votre amitié remonte à 60 ans, date de son ordination.
Tout ce monde, chère Marie Véronique, … Ils sont tous là, ce matin autour de toi ; ils témoignent de tes qualités relationnelles… de ton souci d’aider… d’être présente à chacun, car tu as toujours conçu ta foi comme un engagement auprès des autres. Oh ! bien sûr, tout n’a pas toujours été tout seul avec toi… nous avons tous eu à faire à ton caractère fort… ton opposition aux décisions qui ne te convenaient pas… Mais, passé le moment difficile de l’acceptation, ton caractère enjoué, ton profond esprit religieux reprenaient le dessus.
Je ne peux terminer sans vous faire « voir » l’image que nous gardons de Sr Marie Véronique, bien équipée (bottes, KWAY, chapeau de soleil…) et allant à la pêche au bord de la Sioule, au Pointet ou à l’étang du Perray. Je ne crois pas, M. Véronique, que tu aies rapporté beaucoup de poissons,… tu n’y allais pas pour cela mais pour le plaisir d’être dans la nature, au calme… au bord de l’eau… et cela aussi te dépeint bien.
Et il y a ce matin, dans cette chapelle, près de toi, une « présence ». Quelqu’un dont tu as dit : « Nous sommes de vieilles amies toutes les 2… » Cette « présence » c’est celle de la petite Bernadette de Lourdes avec qui tu étais liée par une expérience unique que tu nous as souvent racontée : en 1925 (tu avais alors 12 ans), la translation du corps de Bernadette, de la chapelle St Joseph dans le jardin de St Gildard à la Châsse où elle repose maintenant. Elle n’était pas plus grande que toi, tu as baisé ses pieds… Elle a orienté ton choix de vie et ta vie spirituelle, simple, profonde, enracinée, joyeuse, tournée vers les autres. Nul doute que ce 18 mai au soir elle a répondu à ta demande : « Maintenant ma petite sœur, nous nous tenons par la main, il faut m’emmener jusqu’au bout, là où tu es. »