Béatrice-Marie BERGER
(Yvonne, Soeur Marie du Saint-Esprit, Soeur Béatrice-Marie)
23 septembre 1922 – 10 novembre 2021
Dans ton studio, à la résidence du Chapitre, se trouvent deux objets : un pot à lait, un ancien moulin à café. Ils témoignent de tes racines et évoquent la ferme de ta grand-mère, femme qui t’a marquée, dans la Nièvre. C’est à Champvert que tu es née le 23 septembre 1922. Ta famille se préparait à fêter tes cent ans et leur projet t’enthousiasmait puisqu’il était de te faire venir dans la Nièvre. Une récente hospitalisation a bousculé tout cela.
Presque cent ans et toujours en résidence autonomie grâce à la force d’un caractère volontaire, tu savais ce que tu voulais et c’était parfois difficile de te faire changer d’idée. Tu manifestais aussi une soif d’indépendance et une insatiable envie de vivre. Tant de sujets t’intéressaient et tu avais toujours envie d’apprendre, de te cultiver, de lire, de voyager, d’écouter de la musique, de créer de tes mains et de créer des relations fidèles avec ta famille, avec tes amis, avec tous les membres de l’établissement Notre-Dame-Saint-Joseph. Cette dernière année a été difficile pour toi car, tes forces et ta vue ayant fortement diminué, tu ne pouvais plus lire ni te déplacer comme tu aurais voulu. Cependant tu as gardé ta joie de vivre, une ouverture d’esprit, une ouverture au monde et une foi profonde dans le Christ que tu as suivi.
Mais revenons un peu sur ton long parcours.
Tu es l’aînée d’une famille de sept enfants. Un de tes frères est mort des suites de la guerre.
En 1926, tu as quitté la Nièvre avec ta famille, ton père ayant retrouvé du travail près de Longwy. En 1932, à l’âge de 10 ans, tu deviens pensionnaire à Notre-Dame, à Nancy où tu passeras ton baccalauréat. C’est là que tu as connu la Congrégation Notre-Dame et tu fais à Nancy tes études universitaires en lettres classiques (français, latin, grec).
Tu es entrée au postulat, puis au noviciat à Verneuil et tu as pris l’habit le 15 septembre 1946. Première profession le 16 septembre 1947, et engagement définitif le 16 septembre 1950 à Moulins. Tu as alors vécu en communauté à Moulins, Verneuil, Saint-Michel-le-Haut, Epinal, Mattaincourt, où tu as été supérieure de communauté et directrice de la section agricole. Puis tu es revenue à Epinal en 1969 jusqu’à 2021. Dans tous les établissements de la Congrégation Notre-Dame où tu es passée, tu as enseigné les lettres classiques.
Enseignante dans l’âme, tu avais le souci des élèves en difficulté, mais aussi de transmettre à tous des bases culturelles, en organisant de nombreux voyages dans différents pays. Tu as établi des contacts très intenses avec la Slovaquie et spécialement avec Bratislava, y emmenant des élèves, y visitant les sœurs et créant un jumelage entre les établissements scolaires Notre-Dame d’Epinal et Bratislava. Tu avais grande joie à apprendre le français à des élèves slovaques venus étudier à Notre-Dame-Saint-Joseph et tu étais très fière d’apprendre que l’un ou l’autre avait obtenu le baccalauréat avec la mention très bien. Tu as ainsi donné des cours de français à des élèves slovaques jusqu’à tes 97 ans, en 2019.
Tu as aimé les voyages : en France, au Portugal, en Italie, en Grèce, en Egypte, en Terre Sainte, en Turquie, en Algérie…
Tu as été très présente à Notre-Dame-Saint-Joseph, suscitant des talents d’artistes par l’apprentissage de la poterie. Combien de personnages de crèche as-tu toi-même réalisés ! Tu as emmené combien d’élèves et de professeurs et amis dans le petit village de « Valréas » (Vaucluse) où ensemble vous participiez à la restauration d’une maison et à l’animation du village. La Provence est devenue une région chère à ton cœur.
Tu as eu le souci d’éveiller les jeunes rencontrés à une vie spirituelle et tu n’as pas négligé ton temps pour mettre en œuvre de nombreux projets avec une visée pastorale, proposant des séjours à Lourdes, à Rome, dans des abbayes et dans de nombreux autres lieux où tu favorisais les moments de prière.
Tu as toujours soutenu les directeurs de l’établissement Notre-Dame, y compris après la fusion des deux établissements Notre-Dame et Saint-Joseph. Tu étais attentive à tous les adultes, aux professeurs avec qui tu aimais partager des moments d’échange et de vie lorsque certains t’accompagnaient à Valréas.
Tu as fait connaître, avec ardeur, les fondateurs de la Congrégation Notre-Dame : Alix Le Clerc et Pierre Fourier. Tu as confectionné des costumes et as fait jouer des saynètes aux élèves. Ces fêtes que tu aimais t’ont conduite à prendre une part active, à l’âge de 97 ans, à la préparation de la fête organisée pour les 400 ans de la fondation de l’école Notre-Dame à Epinal le 1er février 2020, juste avant le premier confinement dû au Covid. Quelle joie pour toi de vivre cette grande journée festive préparée avec soin avec l’équipe de direction, professeurs, responsable en pastorale, amis, et ton amie Marie-Paule Renaud avec qui tu avais encore tant de projets. Quelle joie pour toi de retrouver des anciens et actuels professeurs, des anciens élèves, des sœurs, des amis. Ils sont nombreux et ne peuvent pas être tous nommés.
Tu es toujours restée en contact avec Jeannette Colnet, si présente à l’établissement Notre-Dame pendant de très nombreuses années et décédée au mois d’octobre 2021.
Béatrice-Marie, tu as aussi rencontré les difficultés inhérentes à la vie communautaire mais tu as cherché à rester positive. Tes amis gardent de toi ton sourire et ta bienveillance. Tu as entretenu de chaleureux contacts avec ta famille et nous remercions ceux qui se sont déplacés de loin pour être là le 13 novembre, jour de la messe d’action de grâce. Certains se sont manifestés par mail depuis la Belgique, le Vaucluse, et même l’Australie. Tu as aimé pleinement la vie jusqu’au bout de la tienne. Merci, Béatrice-Marie. Merci pour tous les appels que tu as reçus et pour lesquels tu t’es engagée.
Marie-Paule Dubart
avec Christine Triboulot