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Jacqueline Le PAIH

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Sœur Jacqueline Le PAIH

(21.08.1921 – 12.03.2017)

Chère Jacqueline, Mère Marie du St-Esprit pour les anciennes, tu as choisi le dimanche où l’Eglise nous faisait méditer sur l’Evangile de la Transfiguration pour rejoindre ton Seigneur. Quel beau jour ! A l’image du Christ, te voilà transfigurée ! C’est donc l’action de grâce qui nous habite ce matin. Ta famille, tes nombreux amis, tes sœurs t’entourent de leur affection et partagent avec toi la joie de ta renaissance.
Tu es née à Ault, station balnéaire sur la Manche, alors que tes parents étaient en vacances. Ton père, breton, était dessinateur industriel, ta mère était couturière. Tous deux fréquentaient le monde de la haute couture. Ils t’ont laissé le goût du raffinement et de l’élégance. Tu aimais le beau et, en son nom, tu as soigné, jusqu’au bout, tes tenues vestimentaires !
Avec ta petite sœur Monique, au ciel maintenant, tu as vécu à Paris, rue de Grenelle, tout près de l’Abbaye, jusqu’à l’âge de 7 ans. Puis, avec ta famille, tu pars en Belgique, et tu connais très tôt la vie de pensionnaire. Toute ta scolarité s’est effectuée chez les sœurs de Notre-Dame, à Maulde, au château de Froidmanteau. Tu as vécu ensuite à Lille pour des études universitaires.
Pensionnaire chez les chanoinesses, l’esprit de Mère Alix et de St Pierre Fourier t’ont marquée au point que tu rentres au noviciat en octobre 1943 à Louveciennes.
On te retrouve au Cateau, petite ville du Nord, à Notre-Dame d’Espérance où tu fais profession perpétuelle en 1947. Professeur de lettres, puis directrice, et supérieure de la communauté, tu as assumé ces services avec talent et grande ouverture. Parents, enfants, professeurs ont apprécié l’enseignante, l’éducatrice, la pédagogue que tu étais.
L’appel d’un prêtre vivant au Chili vient, en 1966, bouleverser ta vie. Tu travailleras durant 10 ans à l’Institut de promotion sociale de Concepción au Chili. Tu suis des cours de formation sociale : législation – psychologie –économie. Tu assureras la responsabilité de la Casa grande, maison où vivent 18 filles entre 14 et 19 ans sortant de bidonvilles et du milieu de la prostitution. Jeunes très attachantes mais combien difficiles. Elles croient si peu – faute de connaître – à la tendresse ! « Je mène, écris-tu dans une lettre, la vie d’une maman chilienne : ce service, qui ne laisse pas beaucoup de place à ce qui n’est pas l’amour des plus pauvres, est exigeant mais purifie de bien des problèmes… ».
En 1976, retour en France, à l’Abbaye-aux-Bois. Forte de ton expérience au Chili, tu endosses durant 6 ans la responsabilité de directrice de l’association Mère et enfant. Là encore, ta fibre éducative aide ces jeunes mères, les éveille à l’amour maternel et leur fait prendre conscience de leur responsabilité.
En 1981, tu es secrétaire générale de l’ARAPEJ (association Réflexion Action Prison et Justice) créée en 75 par 4 aumôniers de prison : 2 catholiques et 2 protestants. Tu t’engages dans cette nouvelle voie d’évangélisation avec fougue et passion. Le côté œcuménique de l’association t’ouvre à de nouvelles rencontres, élargit « l’espace de ta tente ». « Conscients de ce qui nous sépare, écris-tu, c’est avec beaucoup de respect, mais aussi de liberté, que nous échangeons à ce sujet. Fidèle à son identité, chacun écoute la différence de son interlocuteur… ». Echanges extrêmement stimulants, invitant à l’étude, à la réflexion à la fois biblique et théologique.
En 1986, un nouvel appel ! Cette fois, de la congrégation : accompagner les sœurs vivant au Mexique. Bien sûr, tu réponds présente à cette demande qui te rapproche des pays de l’Amérique latine. Entre 1986 et 2004, travail à « mi-temps » comme tu disais, dans ce pays que tu as rapidement adopté, à la grande joie de nos sœurs mexicaines.
Ton port d’attache en France étant toujours l’Abbaye… Qu’y faisais-tu ?
Forte de tes expériences internationales, tu as voulu faire partager aux sœurs ton amour pour l’internationalité. Tu créas, avec un petit groupe, la commission internationalité, à la fois pour accueillir et accompagner chaleureusement les sœurs qui venaient en France pour des séjours, sessions, études, mais aussi pour donner aux sœurs de France le goût de l’internationalité et en découvrir toute la richesse. Le groupe se retrouvait très régulièrement dans un local à l’entresol de l’Abbaye, il créa une petite bibliothèque « Internationalité » et invita les sœurs à des journées de formation sur tous les grands sujets mondiaux. Tu as vraiment été la cheville ouvrière de ce groupe, donnant une impulsion certaine à la vicairie.
Ta curiosité était grande, ton intérêt s’étendait à tous les domaines : le social, le politique, l’histoire, la littérature, les arts… Ainsi, tu fus sollicitée par des associations culturelles pour préparer et pour participer à des visites de musées, de monuments, de sites comme par exemple Paray le Monial.
Les témoignages reçus sont tous convergents : entreprenante, hardie, ouverte aux besoins des autres. Tes contacts sont chaleureux, pleins de délicatesse, avec un cœur aux dimensions du monde. Gaie, aimant la vie, tu étais aussi une bavarde invétérée ! Il faut dire à ta décharge que tu ne parlais jamais pour ne rien dire !
Peu à peu, l’horizon s’est obscurci, la mémoire progressivement te lâchait… Tout doucement, on t’a suggéré de descendre à l’infirmerie… Un beau jour, sans prévenir qui que ce soit, tu t’es présentée au 1er étage avec tes bagages : « Me voici… ».
Puis ce furent plusieurs années de silence où la communication devenait de plus en plus difficile. Années où tu as expérimenté, au profond de toi-même, la pauvreté, l’abandon entre les mains des soignants. Jamais une plainte mais, quand tu étais présente, un magnifique sourire.
Merci, Jacqueline, pour ce que tu as été, ce que tu as apporté de joie, de lumière autour de toi !

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