ENSEMBLE, A L’ECOUTE DU CRI DES PAUVRES ET DE LA CLAMEUR DE LA TERRE
RENCONTRE INTERNATIONALE DES ASSOCIÉS ; BERLAYMONT 2025
Part 3 : : l’argent ou le pouvoir économique dans tout cela ?
Quelques témoignages
Vendredi : L’argent ou le pouvoir économique dans tout cela ?

Lors de la cinquième journée, le thème central était l’argent. En début de journée, lors de la prière, il a été symbolisé par deux bouquets contrastés : l’un fané, entouré de billets en noir et blanc, et l’autre éclatant, entouré de billets colorés. Ce contraste nous a invités à réfléchir à la juste place de « l’avoir » dans nos vies et à éviter qu’il prenne le pouvoir. Chacun a posé un geste symbolique en déposant une fleur épanouie pour exprimer sa gratitude et une fleur fanée en signe de regret.
La journée s’est poursuivie sous le signe de la relecture spirituelle, en lien avec notre mission d’être sel de la terre et lumière du monde, tout en abordant avec audace un sujet souvent tabou : l’argent.
Une réflexion a été menée avec l’éclairage de l’économiste belge Étienne de Callataÿ, interrogé par Geert et Philippe, deux associés belges. Il explique que chaque individu, même à petite échelle, peut avoir un impact significatif par ses choix quotidiens de consommation et ses placements. Chacun peut et doit adopter une posture consciente et responsable face à l’économie. Par exemple, M. de Callataÿ encourage à dialoguer avec les banques pour exiger des placements éthiques, soulignant qu’un investissement durable n’est pas forcément moins rentable à long terme. Le débat a aussi porté sur la tension entre circuits courts et mondialisation. Si les circuits courts ont du sens, produire à l’étranger peut parfois avoir un meilleur bilan écologique, ce qui invite à une posture nuancée.
Nous avons aussi présenté la déclaration des Jésuites en vue de la COP30 à Belem (Brésil), fondée sur Laudato Si’ et l’Évangile de Jean, qui appelle à renforcer la justice climatique, à annuler les dettes et à soutenir la souveraineté alimentaire via l’agroécologie. Les échanges ont fait émerger une prise de conscience globale : du Brésil au Vietnam, du Congo à la Belgique et à la France, partout les enjeux sont similaires.
Nous sommes tous liés : il y a une volonté de reprendre du pouvoir sur les flux financiers, de dénoncer les abus, de valoriser l’économie locale, de favoriser la transparence bancaire, et de redonner du sens à l’échange humain dans un monde souvent dominé par les logiques de profit. Les marchés financiers, les placements, les normes internationales, les mécanismes d’exportation et de spéculation posent des défis éthiques majeurs, notamment lorsqu’ils touchent à des denrées de base. L’économie solidaire, les réflexions menées avec Caritas ou au sein de la Congrégation Notre-Dame sur les placements éthiques, montrent qu’un autre rapport à l’argent est possible, plus responsable et plus aligné avec les valeurs de justice et de fraternité.
L’après-midi, nous avons visité la ville de Louvain-la-Neuve. Ville destinée à accueillir les étudiants francophones au moment de la scission de l’université catholique de Louvain entre sa partie néerlandophone et sa partie francophone. Construite de toute pièce en 1970, elle se veut une ville avant-gardiste, refusant d’être un ghetto universitaire, favorisant la convivialité par son accueil de toutes les catégories socio-professionnelles et toutes les nationalités. Elle est aussi piétonne pour encourager les rencontres et l’écologie.
La célébration de clôture nous a permis de mettre en évidence les liens qui nous unissent.

QUELQUES TEMOIGNAGES
Mes émotions peuvent se traduire par des mots simples : « rencontre, confiance, partage, échange, écoute, éveil, émotion, empathie, compassion, communion, bien-être relationnel, joie partagée… »
Stéphane, associé belge
On sent que vous avez toutes et tous le même esprit… Vous le vivez dans des contextes très différents, et plus particulièrement dans des milieux défavorisés. Vous êtes éducateurs/trices et, dans l’éducation, vous visez la justice et l’autonomie des personnes.
Benoit, prêtre belge.

Ce moment d’échange, de fraternité et de réflexion fut non seulement enrichissant sur le plan spirituel et écologique, mais également porteur d’espérance pour notre engagement commun à la lumière de l’évangile. La rencontre avec les Sœurs du Congo (RDC), du Vietnam, du Brésil, de la France ainsi que les associés, a été une source de joie, de communion et surtout d’inspiration. Ces échanges fraternels ont ravivé en chacun de nous le sentiment d’appartenir à une famille spirituelle unie dans la diversité et tournée vers un même appel « Prendre soin de notre maison commune ».
Que cette dynamique se poursuive et que l’Esprit de Laudato Si’ continue de guider nos engagements au service de la création et de nos frères et sœurs les plus vulnérables.
En un mot : Prenons soin de notre maison commune, de nos frères et sœurs les plus vulnérables.
Liliane et Geert, associés belges

Quel que soit le pays d’origine de chacun, nous avons vécu ces quelques jours en tant que Corps de congrégation. Nous avons contribué à bâtir notre maison commune en tissant des liens entre nous et au-delà de nous ! Nous avons pu faire connaissance avec des associés de divers pays. Dommage que certains n’aient pas pu venir ! Quelques professeurs du lycée où nous étions sont venus participer à la rencontre. Leur présence était très importante autant pour eux que pour nous. Le Directeur est aussi intervenu pour nous présenter l’établissement.
Personnellement, j’ai été très contente de pouvoir mettre à profit mes connaissance acquises au CCFD (comité catholique contre la faim et pour le développement Terre solidaire). J’ai davantage compris comment les sœurs de chaque pays essaient d’être éducatrices là où elles se trouvent en cherchant à faire face aux réalités économiques, au dérèglement climatique ainsi qu’à l’impact des multinationales par exemple.
Au fur et à mesure des présentations, j’ai réalisé que chaque pays rencontrait des difficultés semblables vécues différemment. De même, les moyens pour les résoudre ne sont pas identiques. Les questions de chacun ont aussi aidé à la compréhension. Le partage au cours des repas a permis de s’enrichir les uns les autres malgré les langues différentes ! L’entr’aide pour la compréhension a joué son rôle. Ce séjour a été bénéfique pour chacune et chacun. Pour ma part, j’ai une fois de plus pris conscience que même si nous pouvons avoir des difficultés de compréhension dues aux différences de cultures et à la langue, l’Internationalité de la Congrégation est une grande richesse. Merci aux fondateurs !
Christine Triboulot, religieuse française

J’ai vu la foi, l’espérance et la charité en actes… !
Actes de foi : ouvrir des brèches dans un système injuste en croyant possible qu’un tout petit commencement aboutisse à une amélioration de la situation vécue par la collectivité…
Actes d’espérance : tabler sur la capacité humaine à se saisir d’un projet et à retrousser les manches, tout en tablant sur la fidélité de Dieu qui fera germer l’humble effort de tous…
Actes de charité : agir non seulement pour mais avec les autochtones ou les déracinés, mieux : être présents et se laisser soi-même transformer à leur contact.
Ces dispositions de cœur et d’esprit traduites en gestes concrets, parfois au péril de la vie, j’en ai eu la démonstration constante au fil de cette semaine où, en tant que simple invité, j’ai pu entendre et partager les peines et les joies des acteurs de la Congrégation Notre-Dame.
Religieuses et laïcs associés, avec les communautés locales et d’autres partenaires, prouvent qu’il est crédible de mener de « petites » batailles contre les géants, les puissants ou les indifférents en identifiant les causes à défendre. Analyser les ressorts, initier et unir les compétences nécessaires permet de déployer une action pertinente !
Quel que soit le contexte culturel, j’ai mieux compris que toute pastorale efficace associe à la fois l’élévation de l’esprit, par l’éducation, la sensibilisation, le recours à la spiritualité, et l’agir direct aux côtés des personnes. L’écologie intégrale est-elle autre chose que la juste relation à soi, aux autres, à la Création et au Créateur ? Le pape François nous indiquait que « tout est lié ». Les sociétés multinationales ont bien compris que tirer profit des ressources consiste à créer des systèmes d’assujettissement. Le détricotage de leurs agissements oblige donc à re-lier de nombreux facteurs en vue de rendre à l’homme, sa première place dans son environnement ! J’ai trouvé admirable ce travail laborieux mais visiblement fructueux, même mené à toute petite échelle ! Il m’a redonné une forte envie d’engagement « terrain », au nom de ce même Evangile de Jésus Christ qui nous anime …
Vincent Roisin, ami vosgien de Christine

C’était la première fois que je voyageais à l’étranger. Ce séjour en Belgique n’a pas seulement été l’occasion d’apprendre et de partager, mais aussi ma toute première expérience de découverte de l’Europe. Ce fut à la fois passionnant et enrichissant.
Je suis une personne qui vit dans un petit village avec des revenus modestes. Financer moi-même un voyage de plus d’une semaine en Belgique représentait une réelle difficulté, compte tenu de la grande différence de valeur entre la monnaie vietnamienne et belge. Vous et toutes les personnes qui m’ont soutenue m’avez aidée à couvrir ces dépenses, et je vous en suis profondément reconnaissante.
Lors de ma participation à la conférence internationale Laudato Si’ en Belgique, je me suis demandé : « Pourquoi tant de personnes sacrifient-elles leur temps, leurs efforts et même leur sécurité pour s’engager dans l’éducation des personnes défavorisées (y compris des minorités ethniques comme moi) ? » Après avoir terminé la session, j’ai compris que l’éducation est le fondement du changement de mentalité, de comportement et de l’avenir d’une personne, d’une famille, d’un village, voire d’une nation. Forte de cette prise de conscience, je m’engagerai plus profondément dans le domaine de l’éducation pour aider mes élèves à changer progressivement de mentalité afin qu’ils adoptent de meilleurs comportements à l’avenir, qu’ils traitent les autres avec bienveillance et équité, qu’ils respectent la nature, qu’ils protègent l’environnement et, surtout, qu’ils sachent s’aider eux-mêmes face à la pauvreté et à l’injustice. Mais pour y parvenir, je dois d’abord me changer moi-même, ne serait-ce qu’un tout petit peu.
Marie Ma Thiểm, associée vietnamienne
ESPOIR
La crise climatique et l’économie mondiale ont causé tant de souffrances, en particulier aux plus pauvres, qui sont les plus touchés. J’avais l’impression que le monde est dans une impasse face à ce problème. Pourtant, lorsque j’ai assisté à la rencontre internationale sur Laudato Si’ en Belgique, j’ai été remplie d’espoir, car ici et là, partout dans le monde, de l’Occident à l’Orient jusqu’en Afrique, des religieuses, des associés de la Congrégation Notre-Dame et de nombreuses autres ONG tentent encore, par leurs propres volontés et forces, de se tenir aux côtés des pauvres, d’allumer de petites lumières pour améliorer la vie. J’espère que le monde sera meilleur grâce à chaque petite lumière allumée tous les jours partout dans le monde.
Anne Thao, sœur vietnamienne
J’ai bien apprécié la manière de vivre ensemble pendant la session, le choix du lieu, l’accueil, la décoration, la participation active aux présentations de chaque pays, la découverte de leur richesse et de leur pauvreté, les activités qui se sont réalisées dans la tradition de chaque pays. Pour moi, les attentes de la session étaient bien atteintes. A travers l’exposé du Vietnam, j’ai découvert que l’homme est responsable de la terre, et capable de faire tout le bien possible pour mieux vivre. En effet, Dieu nous a confié le monde pour que nous devenions co créateurs avec Lui de son visage d’humanité. Nous devons donc continuer à lutter contre les abus et les injustices de la société afin de protéger notre maison commune. La communauté des sœurs vietnamiennes permet d’assumer une présence éducative dans la durée. Elle est aussi un lieu réel de la communication par leur présence dans les différentes écoles, y compris avec les minorités. L’enseignante Marie est entrée dans son histoire pour nous faire comprendre dans quelle société elle a grandi, marquée par la violence à l’égard de minorités dont elle fait partie. Leur vie humaine ne compte pas beaucoup, et n’a aucune place dans la société vietnamienne. Marie aspire à une société tolérante, respectueuse des conditions sociales des minorités. Son projet, ses engagements et sa préoccupation sont de voir comment aider à l’instruction et à l’éducation des élèves, spécialement des minorités délaissées pour arriver à une transformation des familles et de la société. Demain, ce sont ces enfants qui seront responsables de notre maison commune.
Mado, sœur congolaise adoptée par la Belgique

Le groupe du Congo a été particulièrement heureux pour ces beaux moments passés ensemble.
Nous avons été touchées en arrivant par :
- La patience et l’accueil du taximan à l’aéroport.
- L’accueil au Berlaymont où tout a été préparé avec soin et amour.
- L’organisation et le déroulement des activités. Des choses bien planifiées et respectées. Vous êtes de vrais pédagogues.
Durant tout le séjour, nous avons été marquées par :
- Une ambiance fraternelle et amicale entre nous.
- Le partage des expériences des mêmes réalités sous différentes formes selon les contextes.
- Un partage qui a été une richesse parce que chacun a appris des autres tout en donnant de lui-même.
- Le cadre était bien choisi parce que ça nous a fait revivre l’ancienne ambiance du Berlaymont à l’époque des sœurs.
- Au niveau de l’école, nous avons retenu que l’esprit de la Congrégation continue bien que les sœurs ne soient plus à côté.
- Le rapprochement des uns et des autres, l’internationalité entre sœurs, associés et professeurs.
- Un souhait pour renforcer cette fraternité et le maintien du charisme de la CND dans nos différents milieux de vie : Nous souhaitons que les écoles Jupille et Berlaymont s’impliquent plus et ensemble dans le réseau des écoles Notre-Dame.
Nathalie, Ruth, Marie Françoise et Evelyne, sœurs du Congo
Chers amis et amies,
Un petit message pour vous remercier de tout cœur pour l’amitié, la tendresse et l’accueil de ces derniers jours.
Dans deux ou trois heures, je serai de retour à Maués, ma ville natale, où je vis et travaille.
Merci pour vos prières et votre présence. On reste connectés… car tout est lié, comme si nous ne faisions qu’un seul et même cœur.
Paulinho, associé brésilien

C’était merveilleux de participer à cette réunion. C’était rafraîchissant, une véritable expérience d’apprentissage. J’ai ressenti la joie de tous les participants, ainsi que les efforts des organisateurs pour que tout soit bien organisé afin que la réunion se déroule sans accroc et que chacun se sente à l’aise.
Partager la réalité de chaque groupe nous a permis de nous sentir plus proches, car nous témoignons de réalités similaires, vécues au quotidien avec des difficultés. Cela nous a rapprochés et, d’où que nous soyons, ensemble, nous avons pu échanger nos réalités et nos expériences.
Par conséquent, comme nous l’avons dit ici, « la réunion a été formidable », ce qui signifie qu’elle était merveilleuse. Tous les efforts que nous avons déployés pour partager cette expérience avec tous les participants en valaient la peine.
Ivone Alcântara, associée brésilienne

Et pour terminer, quelques remerciements reçus des participants et des participantes
Merci à tous ceux et celles qui nous ont soutenu financièrement, par leurs prières et leurs encouragements dans l’organisation et la réalisation de cette session,
Merci au Généralat, aux vicaires et responsables pour leur confiance et leur soutien,
Merci au Centre Scolaire de Berlaymont pour son accueil et ses petits cadeaux, au P.O, à la Direction, à équipe de l’internat, de la cuisine et de l’entretien,
Merci aux professeurs du Berlaymont et de Jupille, à Vincent Roisin, un ami vosgien, de s’être joints à nous,
Merci aux organisateurs et spécialement à Molly, associée belge pour toutes ses peintures illustrant les thèmes abordés et à Myriam pour la décoration florale des chambres,
Merci à Benoît Hauzeur pour ses célébrations eucharistiques et ses relectures théologiques,
Merci à tous les participants et participantes pour leur investissement et pour la chance qu’ils nous ont donnée de vivre une « vraie rencontre internationale », riche de nos diversités culturelles et profondément liés dans nos engagements.

Epilogue
Et si cette session avait une suite…
Et si la qualité des liens et la solidarité internationale vécues durant ces quelques jours continuaient à nous dynamiser dans notre volonté de « construire ensemble une maison nouvelle pour y faire tout le bien possible, à l’écoute du cri de la terre et de la clameur des pauvres » ?
Comment ? Quels outils se donner pour cela ?
- Durant la session, un groupe WhatsApp avait été créé. Il est toujours ouvert et reste un lieu d’échanges et d’informations de ce qui se vit là où nous sommes. N’hésitez pas à nous y rejoindre et à y publier des événements, des renseignements ou des témoignages personnels.
- Portons l’anneau de Tucum : signe d’alliance de nombreuses Eglises chrétiennes avec les pauvres et les populations indigènes, signe d’engagement pour le respect de la terre nourricière, symbole d’une théologie qui se veut libératrice.
- En Europe surtout, osons sortir de notre individualisme, de notre scepticisme et de nos désenchantements… « Ne vous laissez pas voler l’espérance, malheur à vous si vous vous accommodez… », « Il fait noir, mais je chante » (Pape François).
- « La marmite commence à bouillir par le bas » dit un proverbe burkinabè. Osons croire que toutes nos petites initiatives locales feront taches d’huile pour convertir les dirigeants, et pour cela, osons en témoigner.
- Puisque les médias et les influenceurs ont un rôle important dans notre société, faisons circuler les pétitions et autres actions numérisées.
- Tout est lié : dans notre travail éducatif et social, osons croire en la force des liens internationaux qui nous unissent.
Profitons de nos voyages pour participer à des sessions au sein de la Congrégation ou autres raisons, pour nous recevoir mutuellement et découvrir ce qui se vit ailleurs, confronter nos idées, notre vécu, renforcer notre sentiment d’appartenance ; enfin, nous soutenir l’un l’autre dans nos projets.
