Christilla Taudière (Marie-Emilie)

Soeur Christilla Taudière (Marie-Emilie)

(4 juin 1922 – 6 juillet 2016)

Chère Christilla, c’est l’action de grâce qui nous unit tous et toutes autour de toi en ce jour ; ta famille, tes anciennes élèves, tes nombreux amis, tes sœurs de la Congrégation Notre-Dame. Beaucoup n’ayant pu se libérer, sont présents avec nous par la prière et l’affection.
Je citerai en exergue l’un des passages de nos Constitutions que tu as essayé de vivre au plus près et qui ont orienté toute ta vie :
« L’Esprit-Saint, source de vie et de prière, nous fait entrer dans la communion de Jésus avec le Père, et nous envoie, comme Lui, dans le monde, pour annoncer le Royaume… Notre vie et notre prière s’appellent l’une l’autre et s’unifient dans l’attitude de l’apôtre. » (cf. n°15)
Tu es née à Niort le 4 juin 1922, le jour de la Pentecôte : dès ta naissance tu as été sous la motion de l’Esprit-Saint ! Aînée de 7 enfants, tu as tout au long de ta vie gardé des liens très forts avec tes frères et sœurs, puis tes nombreux neveux et nièces. Brillante élève, après le bac, tu décroches une licence de lettres et, aux « langues orientales », tu travailles l’hindi et le sanscrit, langues anciennes de base de l’Orient. En effet, comme étudiante, tu as participé au « Cercle St Jean-Baptiste » créé en 1944 par Mère M. de l’Assomption et le Père Daniélou. Leur spiritualité : unir contemplation et mission, rencontrer en profondeur des cultures pour leur annoncer le Christ. C’est là que ta vocation a grandi et s’est affermie. C’est là que s’est creusé en toi le désir de partir d’abord en Inde puis en Chine. Le Père Raguin, animateur du Cercle, se voit confier un petit groupe de 3 jeunes filles, dont toi-même, Christilla, pour la création d’une future congrégation religieuse missionnaire : l’Avent. Son but : répondre à l’appel de chaque peuple qui veut exprimer sa prière de louange selon son génie propre ; répondre à l’appel de l’Eglise qui veut assumer toutes les valeurs humaines afin que le Corps du Christ atteigne sa pleine nature.
Pour fonder en Chine une nouvelle congrégation, on vous demande de faire une année de noviciat canonique. Ce sont les Bénédictines de Meudon qui vous ont accueillies. Ces années t’ont beaucoup influencée et ont laissé en toi un goût très marqué pour la contemplation.
La connaissance de l’anglais t’étant nécessaire, tu pars ensuite en Grande Bretagne. C’est là que tu fais connaissance avec notre Congrégation. Mère St Thomas d’Aquin et Mère St Ambroise te proposent, pour te rapprocher de la Chine, de faire étape dans une de nos maisons du Vietnam. C’est donc en1948-49 que tu débarques à Dalat où tu enseignes le français au 2d cycle.
En 1949, la Chine tombe entre les mains du communisme, les frontières se ferment, tu ne peux rejoindre le Père Raguin. Devant cette dure réalité et ayant fait plus ample connaissance avec la Congrégation Notre-Dame, tu décides d’y entrer. Tu fais une année de postulat sur place et tu rentres en France, en janvier 1950, à Verneuil, lieu du noviciat général ; tu y fais ta 1ère profession et en 1951 tu repars au Vietnam jusqu’en 1962.
Professeur de lettres, maîtresse générale, outre tes talents d’enseignante, tu te révélas éducatrice et éveilleuse de Vie, marquant à tout jamais tes élèves. Les témoignages sont là : jamais de jugements négatifs, encourageant et soutenant les moindres efforts, tu excellais avec les élèves »rebelles » que tu aimais tout particulièrement !
En 1962, retour en France pour un repos de courte durée : tu es appelée en Algérie pour assumer la direction du collège des Oliviers tenu précédemment par les Sœurs Blanches. Durant ces 5 années, c’est pour toi la découverte du monde musulman et l’apprentissage de l’arabe.
En 1966, à la suite de la nationalisation des écoles en Algérie, te voilà étudiante durant 4 ans :
– à l’Institut pontifical d’études arabes à Rome
– à l’ISPC (Institut supérieur de pastorale catéchétique) à Paris, avec formation à la culture contemporaine.
En 1969, le Père Lustiger t’embauche pour l’accueil des étudiants étrangers ; c’est le début de ta longue carrière au CEP, l’aumônerie des étudiants de Paris, y déployant toute ton énergie, toutes tes connaissances, tout ton zèle missionnaire pour éveiller les jeunes aux dimensions spirituelles, à l’ouverture au monde, à leurs responsabilités et surtout à l’approfondissement de leur foi. Le diocèse te loue un petit appartement rue Linné, que tu partages avec Michèle Mollet passionnée par le monde juif. Vous mettez vos connaissances en commun au profit des étudiants dont tu avais la charge.

Avec le Père Perrier, futur évêque de Chartres puis de Lourdes, vous ouvrez une « école de la Foi » destinée aux étudiants. Tu te spécialises dans la présentation de l’aventure biblique. Des petits groupes se forment, très assidus à ton enseignement. Parallèlement, tu animes un peu partout des retraites, des sessions, tu accompagnes des catéchumènes, des couples se préparant au mariage. Tu deviens guide en Terre Sainte. Qui ne se souvient de ces pèlerinages, plus d’une soixantaine, où tu commentais et actualisais la Bible d’une manière si vivante ! Personne ne sortait indemne de ces pèlerinages, ils étaient souvent source de conversion profonde. A la suite de l’un d’eux, tu accompagnas durant 10 ans « Les Compagnons du Devoir », relisant avec eux la dimension culturelle de leurs symboles initiatiques.
A Radio Notre-Dame, tu commentes pendant 3 ans, chaque semaine, l’Evangile de Saint Jean, les thèmes et figures symboliques de la Genèse, la dynamique de l’histoire biblique.
En 1999, la Congrégation, s’appuyant sur tes compétences sur le monde arabe et le monde asiatique, t’appelle à Manille (Philippines) pour étudier la possibilité d’une fondation.

C’est en 2001 que la communauté de l’Abbaye t’accueille avec Michèle Mollet. Tu ne lâches rien de tes activités : retraites, sessions, accompagnements spirituels… Puis, ta santé se dégradant, ce fut une nouvelle étape qui t’a conduite à aimer « en acte et en vérité » ! Attentive à tes sœurs, au personnel soignant, tu as continué jusqu’au bout ton œuvre d’évangélisation. Tes longues années de dépendance progressive, puis totale, t’ont mise en communion avec les plus pauvres qui ne peuvent plus rien entreprendre.

Ce n’est jamais facile de vivre la dépendance, de recevoir sa vie des autres alors qu’on n’a jamais cessé de donner… Tu disais à l’une d’entre nous : « La maladie est là, c’est une réalité… Consentement absolu… Cela me rend libre ! »

Merci Christilla pour ta vie ; qu’elle soit lumière pour notre propre vie !

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